Territoire perçu, territoire vécu

Dans la foulée de nombreux échanges sur le sujet, et alors que vient d’être mis en place un ministère du « partenariat avec les territoires et de la décentralisation » (appellation inédite pour un portefeuille conséquent), il nous a semblé intéressant de revenir cette semaine sur la notion de « territoire ». Un terme qui, bien sûr, renvoie à l’organisation de notre espace national dans un objectif de décision, de gestion et d’administration, mais relève aussi des pratiques, modes de vie et ancrages des Français.v

Dans le premier cas : des découpages politiques et administratifs aux contours linéaires. Dans l’autre : des espaces de vie, des expériences, des liens et donc des périmètres aux contours flous et mouvants.
Comment l’un et l’autre s’articulent-ils ? 


Nous avons interrogé les Français sur l’échelle à laquelle ils se réfèrent quand on parle de « leur territoire » (hors territoire national).
Les réponses révèlent des perceptions très différenciées : si 35% pensent d’abord à leur région quand on évoque « leur territoire », ils sont 24% à se référer avant tout à leur département mais 23% à leur commune, 7% à leur quartier et 6% à leur rue ou même leur immeuble.


On le voit, l’acception du mot « territoire » est donc loin d’être univoque dans la population. Par exemple, les Parisiens, et dans une moindre mesure les habitants des autres villes-centres des métropoles, mais aussi les plus jeunes, tendent davantage à identifier leur territoire à un périmètre micro-local : le quartier (30% des Parisiens pour 7% de la moyenne des Français), voire la rue ou même l’immeuble (le territoire d’1 jeune sur 10 est ainsi son immeuble ou sa résidence vs 3% de la moyenne des Français).

Cette diversité des échelles de référence se retrouve également dans le vécu des Français : si l’essentiel de leurs mobilités se réalisent à un niveau infra-départemental, l’étendue du périmètre de vie se révèle très inégale au sein de la population. En mesurant celui-ci en fonction de la fréquence de déplacements effectués au sein des différentes échelles de territoires, nous avons pu repérer que la moitié des Français ont un périmètre de vie étendu, dont 12% très étendu (se déplaçant fréquemment dans d’autres communes, départements ou régions que les leurs), tandis qu’une autre moitié évolue dans un périmètre restreint autour de son domicile et même 14% très restreint.


Une réalité qui se révèle relativement marquée socialement : les plus diplômés, les CSP +, les salariés des grandes entreprises ou encore les jeunes, évoluent au sein d’un périmètre de vie plus large que la moyenne des Français.

Et c’est encore plus le cas s’agissant du degré d’ouverture à l’international (établi de nouveau en fonction de la fréquence et du périmètre de leurs déplacements) très inégalement réparti dans la population : 30% des Français témoignent d’une ouverture forte à l’international, 28% assez faible mais 42% très faible voire inexistante. Là encore, on retrouve parmi les premiers les plus jeunes et les catégories aisées.

A cet égard, il est intéressant de noter que ceux qui ont le périmètre de vie le plus étendu sont ceux qui désignent « leur » territoire par le périmètre le plus restreint. Un résultat qui pourrait paraître contre-intuitif et qui souligne la complexité de l’articulation entre mobilité et ancrage au territoire.


Quoiqu’il en soit, et pour les Français, on le voit : derrière le terme « territoire » se cachent des acceptions différentes mais aussi des réalités vécues contrastées. Autant d’éléments à avoir en tête quand on leur parle « territoire » !

Source :

L’Observatoire des ancrages et arbitrages sur les lieux de vie – Mars 2022

Réalisé avec les soutiens de Groupe BPCE, In’li et Nexity