Le maillot de foot : étoffe des héros modernes

La semaine se termine bien pour le football français avec la qualification du PSG et de Lille en huitièmes de finale de la Ligue des champions ! L’occasion de revenir sur un incontournable de notre époque : le maillot de football. Bien plus qu’un simple textile, il est désormais un totem, une bannière, l’objet culte d’une religion séculière.

Les chiffres sont impressionnants : dans un marché global du football en expansion, l’augmentation de la vente de maillots au sein des 100 meilleurs clubs européens sur les 20 dernières années est de 157%. Et grimpe même à + 231% pour la Ligue 1 française. Ainsi, le PSG est passé de 698 000 maillots vendus sur la période 2013-2018 à 1,1 millions entre 2018 et 2023. Et pourtant, le premier club français au classement n’est que 6ème au sein du Top 10 loin derrière les trois premiers que sont Liverpool, Manchester United  et le FC Barcelone. 

Ces chiffres, en hausse constante, disent l’accession du football au rang de culture dominante. Mais le phénomène va au-delà : à l’heure où les appartenances traditionnelles s’estompent, porter le maillot de son équipe favorite est devenu un puissant vecteur d’identité. Une manière de se rattacher à une communauté de passion mais aussi à l’histoire d’un club, d’une ville, d’une culture, voire à un style de jeu ou une attitude et, bien sûr, à des personnalités.   

Les logiques d’identification se réinventent au niveau planétaire. A l’ère du numérique et des retransmissions globales, la circulation des maillots révèle l’intensification des échanges culturels transnationaux. Un supporter japonais arborant un maillot de Man City ou un fan sénégalais celui du PSG illustrent la complexité des identifications contemporaines, à la fois déterritorialisées mais intensément locales dans leur appropriation. 

L’appartenance va de pair avec de nouveaux rituels : chaque année, 67% des supporters achètent le nouveau maillot de leur équipe, un chiffre qui monte à 85% chez les 15-25 ans. Comme si chaque saison il fallait refaire acte de fidélité et renouveler le lien communautaire. 
D’autant que ce maillot de foot, on ne l’achète pas uniquement pour le porter, mais aussi pour le collectionner, l’encadrer, le transmettre. Car dans nos sociétés sécularisées, le football s’impose aussi comme une nouvelle religion populaire. Il a ses temples (les stades), ses messes (les matchs), ses saints (les joueurs stars), et bien sûr, ses objets de culte et reliques : les maillots. Comme dans les cultes anciens, on s’approprie une parcelle du sacré en revêtant l’étoffe des idoles. 

Les équipementiers et clubs jouent d’ailleurs pleinement cette carte en intégrant des références symboliques dans leurs designs : hommages aux maillots historiques, détails liés aux grandes victoires (les fameuses étoiles), numérotation limitée… Tout est pensé pour renforcer la charge émotionnelle de l’objet. 
Ces grandes marques ont d’ailleurs vite saisi toutes ces dynamiques. Le maillot de foot se retrouve aujourd’hui hors du stade, dans la rue et dans les codes vestimentaires du quotidien. A la croisée du sport, de la mode et de la consommation culturelle

Nike, Adidas et Puma rivalisent d’ingéniosité pour transformer chaque collection, chaque édition en événement marketing mondial. Et les collaborations avec le luxe et la mode de créateurs se multiplient. Le PSG a fait de Jordan son partenaire textile, ajoutant une touche streetwear à ses maillots, au point d’en faire un produit prisé bien au-delà des supporters du club. Manchester City s’associe avec C.P. Company, tandis que Manchester United fait appel à Paul Smith pour concevoir ses collections habillées. Certains maillots deviennent même des objets de collection exclusifs : le “Fourth kit” du PSG génère des marges 35% supérieures aux maillots classiques. 
Résultat : le maillot s’achète autant pour le sport que pour le style et, signe d’appartenance, il devient aussi signe de distinction sociale, avec ses gammes premium et ses éditions limitées. Car il faut bien le dire : les prix des maillots officiels sont élevés (a minima 90€). Mais bien loin de freiner leur démocratisation, tout cela participe de leur désirabilité sociale.  

LES 10 CLUBS QUI VENDENT LE PLUS DE MAILLOTS EN EUROPE  
(Estimations à la moyenne sur cinq ans, de la période 2018 à 2023) 

1. Liverpool : 1 790 000 maillots vendus
2. Manchester United : 1 730 000 maillots vendus
3. FC Barcelone : 1 450 000 maillots vendus
4. Bayern Munich : 1 410 000 maillots vendus
5. Real Madrid : 1 400 000 maillots vendus
6. Paris SG : 1 100 000 maillots vendus
7. Juventus : 906 000 maillots vendus
8. Chelsea : 836 000 maillots vendus
9. Manchester City : 823 000 maillots vendus
10. Arsenal : 738 000 maillots vendus

Le succès croissant des maillots de football révèle, on le voit, bien plus qu’une simple tendance commerciale.  

Miroir de notre époque, il est une ancre identitaire quand les repères classiques s’effacent, objet de distinction, entre luxe et culture populaire, produit globalisé, support de récits universel et particuliers, de codes partagés et réappropriés, d’émotions communes…

Porter un maillot, c’est donc bien plus que s’habiller. C’est croire à quelque chose, appartenir à une communauté, participer à un rituel contemporain.  
Le maillot de foot : une étoffe qui, décidément, porte bien plus que des couleurs ! 

Sources :

UEFA Supporter Survey, 2023
Sportune , Cabinet PR Marketing et Pr. Rohlmann, 2024