Citeo a mandaté L’ObSoCo pour mener une étude qualitative auprès de femmes et d’hommes, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de zone géographique différents. Tiraillées entre culpabilité, volonté de bien faire et contraintes économiques, les personnes rencontrées font le récit d’une fatigue écologique qui s’installe. Plusieurs mécanismes de mise à distance s’observent.
Pourquoi agir à mon niveau si les autres n’agissent pas ?
Une certaine rancœur s’exprime, qui contribue à limiter sa propre responsabilité vis-à-vis des autres (les voisins, les collègues, les anciennes générations qui ont laissé faire, les jeunes générations perçues comme très ambivalentes sur le sujet, les industriels qui polluent, les politiques qui n’agissent pas assez, les écologistes parfois perçus comme extrêmisant le débat, etc.)
Quel est l’impact des gestes que j’adopte au quotidien ?
Devant le gigantisme de la tâche, ils sont nombreux à ressentir un sentiment d’impuissance, quand d’autres se montrent de plus en plus circonspects sur ce qui est fait du tri de leurs déchets, suspicieux vis-à-vis de certaines pratiques dîtes plus « écologiques », comme le bio ou l’électrique, par exemple.
Argent, temps, équipement : le triptyque du grand empêchement
Être « écolo » aujourd’hui requiert du temps, de l’organisation, de l’espace et des moyens financiers. L’absence de ces conditions peut finir par être source de frustration voire de colère, quand on aimerait bien mais qu’on ne peut pas. Dans les arbitrages économiques du quotidien, la question environnementale n’a pas toujours sa place et l’écologie devient de plus en plus un marqueur social.
Tous veulent bien reconnaître l’importance (voire l’urgence) de la thématique environnementale, mais refusent qu’on leur fasse « porter le chapeau » et regrettent qu’on ne leur facilite pas davantage le passage à l’acte. Ils ne veulent pas être le dernier maillon d’une chaîne qui dysfonctionne à tous les étages. Dans une société qui vante le gain de temps et où l’offre crée la demande, l’injonction à une consommation responsable devient de moins en moins audible.
L’émergence d’une « écologie à la carte »
Chacun semble alors « bricoler » avec l’écologie, jamais complètement certain de ses gestes, avançant à son rythme, sans trop renoncer à son confort ou son plaisir, satisfait de contribuer à sa mesure.
Tous ces éléments favorisent un certain désengagement : une situation d’autant plus préoccupante qu’elle s’inscrit dans un mouvement plus vaste de désengagement du monde économique et politique, qui adresse un mauvais signal aux consommateurs-citoyens.
Mais, si l’exemplarité et l’impulsion ne viennent pas des pouvoirs publics, que se passera-t-il ?
A lire :
« Après nous, le déluge » : Chronique d’un essoufflement vert, par Marie Gariazzo et Rozenn Nardin
Source :
L’ObSoCo pour CITEO, étude qualitative sur les pratiques environnementales des Français, 2024.