La rubrique foot de Guénaëlle
Stefano Massini (Auteur) & Nathalie Bauer (Traduction), Le Ladies football club – Éditions 10/18, 2022
Certains d’entre vous connaissent peut-être Stefano Massini pour son monument romanesque consacré à l’ascension et à la chute de la dynastie bancaire des Frères Lehman. Dans Le Ladies Football Club, il s’inspire à nouveau d’une histoire vraie — mais dans un tout autre registre. Ce court roman, aussi drôle que percutant, nous plonge en effet en 1917, dans l’Angleterre ouvrière, où un groupe de femmes décide de former une équipe de football… et rencontre un succès fulgurant. Trop fulgurant, sans doute, puisque quelques années plus tard, en 1921, le football féminin sera tout simplement interdit, jugé trop subversif.
C’est une lecture parfaite pour l’été — et pour suivre les play-offs de l’Euro féminin en cours : vive, réjouissante, instructive. Car derrière la légèreté du ton, c’est tout un pan effacé de l’histoire sociale et sportive qui ressurgit, faisant écho aux revendications contemporaines. Il faudra attendre les années 1970 pour que, en Angleterre comme ailleurs, les interdictions officielles ou les ostracismes de fait soient enfin levés. Mais les discriminations, elles, persistent. En France, nos enquêtes le montrent : 30 % des femmes déclarent avoir déjà été dissuadées ou empêchées de pratiquer un sport… simplement parce qu’elles sont des femmes.


Le conseil « anthrospectif » de Simon
Sous la direction de Michel Bussi (et Martine Drozdz et Fabrice Argounès) – Nos lieux communs – Fayard, 2024.
Un livre qui, selon l’un de ses directeurs de publication Michel Bussi, «nous rend plus intelligent !». Que demander de plus donc, que cette centaine de courtes monographies (2-3 pages) sur autant de lieux qui façonnent notre quotidien ou a minima nos imaginaires, et qui donnent des pages à noircir aux géographes, sociologues, historiens et anthropologues réunis dans ce livre ?
Si les vacances et le voyage sont souvent propices à l’introspection personnelle, un tel ouvrage permet une introspection autre, plus anthropologique (d’où la pirouette, un peu présomptueuse, d’ «anthrospectif»), où les lieux familiers prennent une autre ampleur, et les lieux « exotiques » ou invisibilisés nous deviennent proches. De quoi partir en vacances avec un regard enrichi et des bagages alourdis de nombreuses anecdotes sur des lieux que vous croiserez probablement.
Liste non-exhaustive des lieux radioscopés : le pavillon, le gallodrome, le ghetto de riches, le ciel, le sous-marin, la tribune de stade, le data center, la place du village…
Du coin de la rue au bout du monde.
Le conseil évanescent de Mathilde
Nathalie Sarraute, Tropismes – Editions de Minuit, 1939
Tropismes, selon Nathalie Sarraute, « ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l’origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu’il est possible de définir ». A la sortie de cette lecture c’est une sensation d’inquiétante étrangeté, si l’on reprend l’expression de Freud, qui me reste de ces vingt-quatre récits. L’action, infime, est répandue dans l’atmosphère, englobante, elle est dans et au-delà du sujet. Le recours à un style impersonnel, inspiré par Flaubert, me font d’abord penser aux enquêtes sociologiques. Mais ce style donne un côté flottant au livre qui m’inspire une traversée dans une fumée blanche, quelque chose d’insaisissable. Quelque chose qui s’infiltre lentement.


La pêche miraculeuse en Bohême de Marie
Ota Pavel, Comment j’ai rencontré les poissons – Editions Folio, 2016
Dans Comment j’ai rencontré les poissons, Ota Pavel convoque ses souvenirs : un père fantasque, des rivières peuplées de carpes mythiques, l’enfance bohème d’un garçon dans une Tchécoslovaquie tourmentée. L’auteur livre de touchantes méditations sur la vie et la survie, la mort et la mémoire, la justice et la compassion. Le récit est à la fois drôle, lumineux, mélancolique, à la frontière du conte.
Un petit bijou à glisser dans vos bagages cet été.
Le conseil manga de Sébastien
Inio Asano, Bonne nuit Punpun (Oyasumi Punpun) – Kana éditions, 2012
Bonne nuit Punpun d’Inio Asano est une œuvre qui transcende les codes traditionnels du manga, loin des seinen habituels, ce slice of life offre une expérience littéraire originale, bouleversante, parfois dérangeante…Mais assurément marquante ! À travers le parcours de Punpun – représenté sous la forme minimaliste d’un oiseau –, Asano déploie une fresque d’une acuité psychologique rare sur le passage de l’enfance à l’âge adulte. Entre premiers émois amoureux avec la mystérieuse Aiko et dysfonctionnements familiaux, cette chronique du quotidien se mue progressivement en une exploration vertigineuse de la solitude contemporaine et des illusions perdues. Le tout porté par des dessins d’une beauté saisissante, qui contrastent violemment avec le graphisme épuré du protagoniste. Loin du pathos facile, l’auteur parvient à capturer avec une justesse chirurgicale ces moments infinitésimaux où l’existence bascule, ces failles intimes que nous partageons tous sans jamais oser les nommer. Une lecture captivante autant qu’éprouvante, qui marque durablement par sa capacité à révéler, sans fard ni complaisance, la beauté tragique de nos vies ordinaires.
Pour public averti !


Le conseil bien urbain d’Agnès
Oulipo, Les Villes invisibles – Éditions Nous, 2024
Avec Les villes indivisibles, plongez dans une réflexion passionnante (et parfois angoissante) sur la ville contemporaine et future. Rendant hommage à leur confrère Italo Calvino est à ses Villes invisibles (1972), les membres de l’Oulipo (OUvroir de Littérature POtentielle) en reprennent la structure tout en abordant des thématiques actuelles et brûlantes : gestion des ressources, aménagement urbain, travail, maladie, diversité, ou encore coexistence fragile entre le monde naturel et virtuel.
Ces 55 « vignettes » urbaines divisées en 11 familles, reflètent les sujets actuels de recherche et de débat, constituées en collaboration avec une équipe d’urbanistes et de climatologues sous l’égide du GIEC. De cette démarche collective résulte un récit à facettes multiples, entre fiction et travelogue, entre spéculation et rêverie, entre utopie et dystopie. Les villes indivisibles présente une mosaïque de villes imaginaires — pour ne pas dire impossibles, qui vous feront voyager !
Le conseil futuriste de Kenzo
Floriane Soulas, Les Oubliés de l’Amas – Scrineo, 2021
Les Oubliés de l’Amas nous plonge dans un space-opera sombre et captivant qui évoque les grands maîtres du genre. Dans un futur où l’humanité a conquis le système solaire, Jupiter demeure l’ultime frontière infranchissable, entourée d’un gigantesque cimetière spatial. C’est sur cette ceinture de déchets que s’est édifié l’Amas, un bidonville flottant peuplé de marginaux et de fugitifs. Soulas, dont ce n’est que le troisième roman, excelle à créer un univers dystopique où règnent la débrouillardise, l’instinct de survie et l’illégalité. L’on y croise une vaste galerie de personnages aux ambitions diverses, tour à tour attachants et détestables, dans l’atmosphère oppressante de cette cité spatiale chaotique et tentaculaire qui s’apparente par moments à une créature fantastique se nourrissant de la force vitale de ses habitants. Les amateurs d’Asimov et de Poul Anderson retrouveront cette capacité qu’a l’auteure à mêler concepts scientifiques audacieux et psychologie des personnages, dans un récit qui ne lâche jamais le lecteur jusqu’à son dénouement. Une bonne trouvaille que je recommande aux passionnés du genre.


Le conseil réconfort de Diane
Sophie Guerrive, Tulipe – 2024 Editions, 2019
Tulipe, c’est une jolie BD pour adultes qui parle à notre âme d’enfant. Mettant en scène Crocus, un ours sage et tranquille, un caillou, qui hait sa vie de caillou, un serpent angoissé qui ne cesse de s’agiter et un oiseau amoureux du soleil, cette BD invite à regarder nos névroses avec tendresse et à dépoussiérer les évidences. Sous ses airs naïfs, la BD de Sophie Guerrive aborde des sujets douloureux (amours impossibles, mort, ennui, solitude…) avec beaucoup de finesse, d’indulgence et d’humour. C’est poétique, drôle, ingénieux, et sacrément réconfortant ! Et en plus, les dessins sont très beaux. Parfait à feuilleter l’été, au bord de la mer ou à l’ombre d’un arbre (comme Crocus – qui en est d’ailleurs très amoureux).
La rubrique tech de Boris
Alain Damasio, La Vallée du Silicium – Seuil, 2024
Auteur reconnu de science-fiction — on lui doit notamment La Horde du Contrevent et Les Furtifs — Alain Damasio explore dans son dernier ouvrage Vallée du Silicium une forme nouvelle, à mi-chemin entre l’enquête immersive, l’essai philosophique et le récit spéculatif.
Au cœur de la Silicon Valley, il part à la rencontre d’ingénieurs, de designers, de chercheurs et de managers, s’immergeant dans l’imaginaire des bâtisseurs du monde numérique. Sans céder à la caricature ni à la posture à charge, il tisse une critique fine et percutante des promesses technologiques. De l’iPhone au métavers, de l’intelligence artificielle à la voiture autonome, il interroge la manière dont ces objets, ces interfaces et ces visions redessinent notre rapport au monde, au temps, aux autres — et à nous-mêmes.
C’est une lecture exigeante, mais stimulante, qui bouscule et invite à penser autrement les devenirs possibles de nos sociétés hyperconnectées. À lire comme un contrechamp poétique et politique à l’utopie californienne.


L’auto-promo musicale de Philippe
Ph2 – The Last One – 2025
Eh non ! Il n’y a pas que l’économie, le commerce, la consommation… dans la vie. Il y a aussi la musique ! Je la pratique depuis bientôt 50 ans. Le goût de la musique m’est venu, ado, par l’écoute de groupes de rock progressif, alors à la mode, comme Genesis ou Yes. Hélas, si le style perdure avec de nouveaux groupes, il faut bien reconnaître que l’audience s’est fortement étiolée. L’histoire de la montée en puissance et de la disgrâce qu’a connu ce style musical en dit long sur les tendances sociétales… Il y a quelques mois, je me suis lancé dans une initiative un peu folle : publier régulièrement des posts sur Intagram pour tenter de faire découvrir (et aimer) cette musique aux personnes qui ne la connaissent pas.
Et si vous profitiez de l’été pour découvrir le rock progressif ? Votre trouverez mes posts sur Instagram sous le nom ph2.rockprog. En général, chaque post traite d’un groupe. Dans un post récent, j’ai indiqué quelques playlists disponibles sur Spotify et Deezer pour papillonner dans ce qu’il y a de meilleur en la matière. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, vous pourriez en profiter pour jeter une oreille à la musique de Ph2 (mon groupe !). 5 albums dispos sur tous les sites de streaming et 3 singles tous chauds (The Last One, November et Goodby dad) dans des styles très différents. Bonne écoute !