Qui sont vraiment les créateurs d’entreprise ? Sept profils pour sortir des clichés

93% des porteurs de projet jugent leur expérience entrepreneuriale positive et 90% la referaient… mais 62% des créateurs trouvent complexe de faire perdurer leur activité, et seulement 38% atteignent le chiffre d’affaires espéré.
L’étude que nous avons menée pour BGE en partenariat avec Crédit Mutuel, dévoilée cette semaine, ausculte avec finesse près de 10 000  parcours entrepreneuriaux sur 7 ans. Elle révèle une France de l’entrepreneuriat bien éloignée des clichés du « slasheur » épanoui.

Des publics fragiles, une motivation existentielle
Les chiffres interpellent : 62% des porteurs de projet accompagnés par BGE gagnaient moins de 1 499€/mois avant leur création (le seuil de pauvreté étant à 1 288€). 78% étaient demandeurs d’emploi. Pourtant, leur motivation première n’est pas la survie économique mais l’indépendance (67%) – une aspiration « presque existentielle » souligne l’étude, qui traduit un rapport au salariat profondément interrogé.
Ce qui frappe, c’est l’intensité du désir d’entreprendre malgré les obstacles. 

Sept familles d’entrepreneurs : au-delà des stéréotypes
La segmentation inédite proposée fait voler en éclats l’image monolithique de « l’entrepreneur ».

On y découvre :

  • Les « Certains » (35% des créateurs) : CA moyen de 71 800€, les mieux armés. Hauts scores de détermination et créativité, ils aiment sortir de leur zone de confort, réagissent bien à la pression et n’ont pas peur de prendre des décisions. Ils savent fédérer et prendre les choses en main. 53% jugent même « relativement simple » de faire perdurer leur activité – une confiance rare. Ce sont eux qui créent le plus d’emplois (23%).
  • Les « Optimistes » (40%) : CA de 40 500€, les plus jeunes et diplômés du supérieur. Leur croyance en leur capacité à réussir reste intacte malgré des débuts difficiles (69% jugent pourtant complexe de perdurer). Leur optimisme peut être un moteur suffisant face aux réalités économiques, même s’il convient certainement de davantage les ancrer dans une lecture factuelle de leur situation ?
  • Les « Incertains » (20%) : CA correct (50 800€) mais forte anxiété. Le groupe le plus âgé, et qui doute le plus, relativement inquiet quant à l’issue de leur projet. Ils ont besoin d’être rassurés dans leurs capacités et accompagnés dans les processus de décision. 58% jugent complexe de faire perdurer l’activité.
  • Les « Déçus » (5%) : CA DE 35 500€, la désillusion après l’enthousiasme. Le paradoxe psychologique : ils étaient les plus convaincus de réussir au départ, ils sont aujourd’hui les plus dubitatifs. 96% jugent complexe de perdurer. Surrreprésentation de célibataires sans enfants.

Côté non-créateurs, 53% ont définitivement renoncé (« Non merci »), mais 24% sont sur le point de se lancer (« J’y suis presque »).

L’expérience sectorielle : un facteur décisif 
Élément important : la moitié des créateurs dispose d’une expérience dans leur secteur d’activité, avec un impact direct sur la réussite. Plus l’expérience est solide, plus les chances de satisfaction vis-à-vis du CA sont élevées (de 38% sans expérience à 55% avec plus de 20 ans). Les difficultés psychologiques chutent également drastiquement avec l’expérience (de 25% après 1-2 ans à 9% après 20 ans).

Les angles morts de l’entreprenariat
L’étude pointe des enjeux sous-estimés :

La santé entrepreneuriale : 35% ont rencontré des problèmes de santé significatifs pendant leur parcours (22% physiques, 19% psychologiques). Un tabou qui fragilise la pérennité.

Le sous-financement : Les créateurs obtiennent certes des prêts (56% y accèdent, moyenne 60 000€), mais beaucoup sous-estiment leurs besoins initiaux – un facteur d’échec documenté par la Banque de France.

La saturation sectorielle : Les choix de secteurs soulèvent des questions. Afflux vers le bien-être et les services à la personne, parfois sur des territoires saturés, pendant que d’autres besoins (vieillissement, zones rurales) peinent à trouver réponse.

Une question de société
Au-delà des trajectoires individuelles, cette étude interroge notre modèle économique et social. La France affiche un volume d’immatriculations nettement supérieur à ses voisins européens. Mais cette vitalité entrepreneuriale cache-t-elle une fuite du salariat ? Un entrepreneuriat de nécessité plutôt que d’opportunité ? 

L’enjeu est double : transformer cette énergie remarquable en dynamique économique durable, tout en garantissant que l’entrepreneuriat ne devienne pas le cache-misère d’un marché du travail dysfonctionnel.
Les TPE créées par ces publics représentent pourtant un gisement d’emplois (23% créent de l’emploi, 10% envisagent d’embaucher en 2025) et développent des stratégies de coopération prometteuses (39% s’associent avec des partenaires).

A lire : 

 Qui sont les entrepreneur·e·s d’aujourd’hui ? – volet 2 

Une étude réalisée par L’ObSoCo pour BGE, en partenariat avec le Crédit Mutuel-

– L’interview de Guénaëlle Gault, Directrice générale de L’ObSoCo