Le vote arrive en tête : 54% le jugent efficace. Dans une période de défiance généralisée envers la politique, c’est à la fois rassurant…et insuffisant. Car cela signifie aussi que 46% n’y croient plus vraiment.
Parallèlement, le boycott (48%), la mobilisation sur les réseaux sociaux (46%), la grève (45%) apparaissent comme modes d’action presque aussi efficaces que le bulletin de vote. Plus loin dans le classement, on trouve des chiffres qui ne sont pas majoritaires mais qui pèsent : 40% croient à l’efficacité des blocages de sites économique, commercial ou industriel, 40% aux recours juridiques, 39% aux associations et collectifs citoyens, 37% aux manifestations.
Ce ne sont pas des majorités, certes. Mais ce sont des minorités massives. Quand quatre Français sur dix jugent que bloquer un site industriel peut être efficace, on ne parle plus de marges radicales, on parle d’un répertoire d’actions qui s’est élargi dans les esprits.
Précision importante : nous mesurons ici des perceptions, pas des pratiques. Juger qu’une action est efficace ne signifie pas qu’on y recourra soi-même — il y a toujours un écart, parfois considérable, entre le dire et le faire. Mais ces perceptions comptent : elles dessinent le paysage de ce qui est pensable, légitime et envisageable. Elles sont le terreau dans lequel les mobilisations de demain pourront (ou non) prendre racine.
On note d’ailleurs que ceux qui jugent ces actions « très efficaces » restent très minoritaires, ce qui contribue sans doute à marquer la frontière entre ceux qui approuvent et soutiennent de plus ou moins loin, et ceux qui passent ou passeront réellement à l’acte. A ne pas négliger cependant tant l’histoire des mouvements sociaux nous rappelle qu’il n’a jamais fallu des majorités pour faire bouger les lignes — des minorités déterminées y suffisent souvent.
Et puis il y a la question générationnelle.
Chez les moins de 35 ans, le vote reste en tête (60%), et c’est même chez eux qu’il recueille le plus de crédit — ce qui devrait nous garder de tout discours sur une « jeunesse qui ne croit plus à rien ». Paradoxe apparent néanmoins pour cette génération qui est aussi celle qui se déplace moins aux urnes. Une génération qui, en fait, ne rejette pas le principe démocratique, mais dit souvent peiner à trouver une offre politique dans laquelle se reconnaître. L’abstention étant alors moins un renoncement qu’une attente en creux.
La suite du classement complète l’histoire. Les jeunes sont ceux qui croient le plus à l’efficacité des mobilisations via les réseaux sociaux (57% vs 40% chez les 55 ans et plus), des associations et collectifs (50% vs 33%), des manifestations (50% vs 31%). Ils croient aussi davantage aux blocages (47% vs 34%) et 22% d’entre eux (1 jeune sur 5 donc !) jugent efficaces les actions radicales (dégradations, sabotage), pour 6% des plus de 55 ans.
D’ailleurs et sur l’ensemble des modes d’action testés, les moins de 35 ans affichent systématiquement des niveaux de confiance supérieurs à ceux de leurs aînés. Loin d’une jeunesse nihiliste ou désengagée, se dessine ici une génération qui croit davantage que les autres à la possibilité d’agir, tous azimuts. Et qui diversifie ses moyens, élargit le champ des possibles, et ne s’interdit pas grand-chose a priori. Une énergie à prendre au sérieux !
Qu’en retenir pour 2025 ?
D’abord, que les Français — toutes générations confondues — n’ont pas abdiqué. Ils croient encore que l’on peut peser, faire bouger les lignes, obtenir des changements. C’est peut-être une des meilleures nouvelles de cette fin d’année.
Ensuite, que les voies de l’action se sont multipliées : le vote, oui, mais aussi la consommation (ou son refus), le droit, les réseaux, la rue… Les entreprises et les institutions font face à une société qui dispose désormais d’un répertoire diversifié pour exprimer ses attentes et ses désaccords.
Enfin, que les jeunes ne sont pas « hors-jeu », ils jouent simplement avec des règles un peu différentes. Les comprendre, c’est se donner les moyens d’anticiper ce que sera le répertoire de la contestation et de l’engagement à l’avenir
Cette année encore, vous avez été nombreux à nous lire, à nous solliciter, à nous faire confiance pour décrypter les mouvements de la société française. Merci.
C’est le sens de notre travail à L’ObSoCo : éclairer, documenter, donner à voir ce qui traverse le corps social — pour que chacun, décideur, citoyen, acteur économique, puisse s’en saisir et nourrir un débat apaisé, à la hauteur des défis qui nous attendent.
Nous vous souhaitons de belles fêtes et une fin d’année 2025 riche de compréhension mutuelle !
À très vite,
L’équipe de L’ObSoCo