Images terribles des combats en Ukraine, théories du complot démultipliées sur la pandémie, campagne présidentielle faisant une large part à l’invective, polémique sur les incidents au Stade de France en marge de la finale de la Ligue des champions, condamnations judiciaires en rafale… Toutes ces informations et bien d’autres encore déferlent non-stop à la télévision, en une des journaux, partagées, commentées et amplifiées sur les réseaux sociaux, dans des boucles WhatsApp, sujets de podcasts… Tout se passe comme si chaque individu vivait de plus en plus, dans son rapport à l’information, la même expérience que celle vécue par le réalisateur Morgan Spurlock dans son documentaire Super Size Me dans lequel il décidait de manger matin midi et soir chez McDonald’s pour mesurer les effets que cela engendrait sur sa santé. Chacun et chacune sent bien aujourd’hui que le monde de l’information est une forme de McDonald’s géant où l’on peut s’abreuver de Big Mac et de « Face à Baba » en permanence et que, comme le héros de Super Size Me, la déprime, l’obésité et le risque de rejet deviennent de plus en plus possibles, pour ne pas dire probables ou certains. Bienvenue dans le merveilleux monde de « Super Size News » !
Pourtant, le sujet est très peu abordé – et encore plus rarement étudié – de savoir ce que la multiplication des canaux d’information, leur profusion et leur transformation dans la façon de les produire induisent précisément sur les individus.
Les notions de surcharge informationnelle1, d’infobésité2, le syndrome de saturation cognitive sont cependant des éléments cruciaux à prendre en compte. L’information, bien commun, permet de comprendre notre environnement, de se situer dans celui-ci, de prendre des décisions… Mieux, elle est « un réducteur d’incertitude », comme l’écrit Caroline Sauvajol-Rialland3. Qu’en est-il quand sa profusion et la fatigue qu’elle est susceptible d’engendrer empêchent sa métabolisation ?
Ce phénomène ne représente-t-il pas par ailleurs une menace pour la santé mentale des citoyens (que l’on sait déjà fragilisés après la pandémie) – menace qui, en fonction de ses proportions, mériterait d’être considérée comme un problème de santé publique ? Et ne s’agirait-il pas de surcroît d’une force de nuisance considérable pour le fonctionnement de la société et de la démocratie ?
C’est précisément pour appréhender ce phénomène de fatigue informationnelle, en mesurer la portée, en saisir les enjeux et les risques que L’ObSoCo, Arte et la Fondation Jean-Jaurès se sont associés pour mener une enquête inédite. Un travail nécessaire et préalable à une réflexion sur les possibles moyens de lutter contre celle-ci.