Réinventer le discours sur la qualité : une urgence face aux consommateurs

Juin 2016

Les dernières années ont été marquées par le renforcement des attentes des consommateurs en matière de qualité des produits dans l’ensemble de ses dimensions (performance, innocuité, praticité, responsabilité…).,Répondre à cette demande de qualité est une formidable opportunité de sortir d’une concurrence par les prix destructrice et de contribuer à la diffusion d’une « bonne consommation ». À condition toutefois de savoir comment la signaler et d’être crédible. L’Observatoire du rapport à la qualité dans l’alimentaire, mené en 2016 par l’ObSoCo, constitue un outil de compréhension et d’aide à l’action d’une richesse inédite pour actualiser les repères sur le sujet.

À l’heure où un Français sur deux aspire à consommer autrement, la qualité s’affirme comme une priorité à laquelle une majorité ne souhaite pas renoncer, même en cas de restriction budgétaire. Quand 70% des consommateurs déclarent un pouvoir d’achat à la baisse, ils se montrent plus exigeants et ne veulent pas transiger sur la qualité, quitte à modifier leurs habitudes.

Si les Français reconnaissent que la qualité des produits alimentaires a globalement augmenté, il y a comme un paradoxe dans la façon dont ils attribuent ces progrès aux différents acteurs de l’offre. Leur préférence semble en effet s’exprimer en faveur des acteurs traditionnels et locaux, tels les petits producteurs et autres circuits courts, portés par un imaginaire rassurant, émotionnellement ou affectivement réconfortant. Les consommateurs plébiscitent une forme de qualité à l’ancienne, pseudo authentique et presque « préindustrielle », qui se traduit aussi par l’engouement à l’égard du bio. En comparaison, les autres acteurs de l’offre tels les fabricants et les distributeurs marquent un net retrait. Ce paradoxe illustre à quel point, face à ces référents passéistes, les efforts entrepris par les fabricants et les marques apparaissent peu lisibles aux yeux des consommateurs. Il rend compte de l’importance de la tâche à mener pour rattraper un retard que la surenchère sur les prix a sans nul doute contribué à brouiller.

Il y a urgence pour les fabricants et les distributeurs à refonder l’image de la qualité de leurs produits, et cela passe par l’invention d’un discours radicalement nouveau sur le sujet.
Dans un contexte de mise en doute des affirmations auto-proclamées et des signaux associés à des dispositifs « marketing », tout l’enjeu est d’adopter de nouveaux signaux pertinents, ainsi qu’un langage en lien avec les attentes et la sensibilité de l’époque.

La qualité recouvre de multiples dimensions (performance, innocuité, responsabilité, praticité) qui pèsent différemment selon les familles de produit. Ces dimensions relèvent de 3 types d’enjeux particuliers :

  • Légitimité (adéquation avec l’évolution des attentes et aspirations des consommateurs, en lien avec leur sensibilité à des problématiques sociétales).
    A titre d’exemple, les régimes alimentaires connaissent une impressionnante transformation en cours, avec une pratique de régimes de toute sorte (vegan, gluten, etc.) qui s’est installée chez 4 Français sur 10, et plus saisissant encore, une modification des comportements de la consommation de viande chez 9 Français sur 10. Appréhender ces évolutions est essentiel pour répondre à la demande de qualité des consommateurs en lien avec leurs nouvelles pratiques.
  • Lisibilité (adéquation avec les critères prioritaires pour le consommateur et ses modes de décodage).
    A côté de l’identification des signaux les plus pertinents, se pose la question de leur expression auprès des consommateurs. La perception de la qualité des produits alimentaires ne repose pas uniquement sur des données objectives mais aussi sur des dimensions imaginaires et symboliques.
  • Et enfin crédibilité (capacité à inspirer et nourrir la confiance).
    A l’occasion des crises alimentaires de ces 20 dernières années, les Français ont pu prendre conscience, non seulement du fait que manger pouvait être dangereux pour sa santé, mais que certaines entreprises pouvaient faire passer leurs intérêts avant ceux des consommateurs. Rassurer par une mise en avant crédible de la qualité des produits est une manière de tenter de faire reculer la défiance dont souffrent les grands acteurs (marques et enseignes) œuvrant sur le marché alimentaire.

Des expérimentations conduites dans le cadre de cet Observatoire ont démontré que l’adoption de signes de qualité perçus comme crédibles et pertinents, est en mesure d’améliorer la perception du rapport qualité-prix et d’élever la disposition à payer.

En clair cela signifie que cette demande de qualité constitue donc une formidable opportunité pour ceux qui les premiers sauront préempter les signaux et les discours pertinents, et pourront ainsi prendre des positions sur leurs marchés.

Véronique Varlin – Directrice de L’ObSoCo