Argent, couple et pots de yaourt

Si l’Insee constate une (lente) décrue des inégalités de revenus entre femmes et hommes, il n’en demeure pas moins qu’au global, tous temps de travail confondus les femmes touchent 24,4 % de moins que les hommes. Elles travaillent en effet plus souvent à temps partiel (plus d’une femme sur 4 est en temps partiel pour un peu moins d’un homme sur 10) et dans des métiers moins bien rémunérés que les hommes.

La situation est toutefois bien plus défavorable pour les femmes en couple de sexes différents. L’écart de revenus moyens entre hommes et femmes passe alors de 9 % entre célibataires à 42 % dans les couples.

Si l’on regarde non plus du côté des flux (les revenus) mais du côté du stock (c’est-à-dire du patrimoine), les écarts sont également importants. Pire : ils s’accentuent et ont quasiment doublé en un peu moins de vingt ans, passant de 9 % en 1998 à 16 % en 2015 : en moyenne les hommes ont un patrimoine qui a augmenté plus vite que celui des femmes.

Plusieurs facteurs entrent ligne de compte (choix de produits financiers, modalités de succession etc.), mais on peut aussi aller chercher des éléments d’explication dans les mécanismes de gestion financière et partage des dépenses au sein du couple.

Pour organiser leurs budgets, 70 % des Français en couple hétérosexuel possèdent un compte joint pour les dépenses du quotidien. Dans le détail, il s’agit pour 26% d’un compte bancaire commun avec dépôt de montant différent, dans 24% d’un dépôt du même montant, et dans 20% d’un compte commun unique vers lequel convergent les deux revenus du couple.

Parallèlement, pour une majorité de couples, les grosses dépenses (achat d’une voiture 52%, dépenses liées au logement 57%) comme les dépenses du quotidien (dépenses alimentaires du quotidien 56%, sorties, 56%) sont financées à 50/50 par les deux conjoints.

Toutefois, quand ce n’est pas le cas…ce sont les hommes qui paient la plus grande part. C’est ce qui se passe par exemple pour l’achat (31 %) et l’entretien (34%) de la voiture quand le couple en a une, l’acquisition d’appareils électroménagers et numériques (25 %)… Mais les hommes sont aussi plus souvent en charge des dépenses liées au logement (loyer, charges… 30 %) et aux travaux d’aménagement (28 %) en comparaison de leurs conjointes.

Ce faisant, on constate au sein des couples une légère tendance à l’attribution des charges du quotidien aux femmes (et notamment les courses alimentaires), tandis que les hommes financent plus souvent le patrimoine et les dépenses importantes et structurantes. Un déséquilibre qui se révèle en outre plus flagrant chez les couples qui ne disposent pas de compte bancaire en commun.

Dans l’idéal et le temps que le couple dure, cette répartition des dépenses semble satisfaisante, légitimée par la différence de revenus. Mais en cas de séparation, le gros salaire (donc l’homme) conserve le patrimoine accumulé (maison, voiture…) et, comme le dit la journaliste et essayiste Titiou Lecoq, le petit salaire (donc la femme) repart avec les pots de yaourt… vides. Ce qu’elle appelle « la théorie du pot de yaourt ».

De quoi aussi expliquer que le divorce engendre une perte de niveau de vie plus importante pour les femmes qui, l’année du divorce, atteint pour celles-ci -27 % contre -2 % pour les hommes.