Le podium de l’excellence relationnelle
En tête de classement : le coiffeur, avec une note remarquable de 8,3/10, suivi de près par la pharmacie (8,2) et les commerces de bouche – boucherie, crémerie, caviste – qui obtiennent 8,1/10. L’opticien partage cette troisième marche avec la même note. Cette hiérarchie dessine les contours d’un commerce où la dimension relationnelle et l’expertise priment sur la simple transaction. Le coiffeur incarne parfaitement cette logique. Professionnel du temps long, il déploie sa compétence tout en cultivant naturellement la conversation et l’attention personnalisée. La pharmacie, acgteur de la santé de proximité, cristallise une relation de confiance particulière. L’expertise du pharmacien, sa disponibilité pour le conseil, créent un lien privilégié avec le client-patient. Les commerces de bouche et l’opticien complètent ce peloton de tête, secteurs où le conseil personnalisé et la compétence technique constituent des atouts décisifs.
Les bastions de la sociabilité française
La librairie et le primeur maintiennent des standards élevés à 8,0/10, rejoints par le bar/tabac/presse qui obtient la même note. Bien au-delà de sa fonction commerciale, le bar-tabac incarne le « café du commerce » traditionnel, espace de sociabilité où se mélangent générations et catégories sociales. Cette proximité crée un lien social fort, particulièrement précieux dans les territoires où il constitue parfois le dernier commerce de proximité. Sa diversité de services – bar, tabac, presse, jeux – génère une fréquentation régulière et des interactions multiples.
La boulangerie (7,9) et le restaurant (7,9) affichent des scores honorables mais légèrement inférieurs, malgré leur centralité dans la sociabilité française. Cette position suggère peut-être une standardisation croissante de l’offre ou des contraintes temporelles qui limitent les interactions.
Les secteurs sous pression de la rationalisation
Le bas du classement révèle les tensions de la modernisation commerciale. L’hypermarché, le fast food, la salle de sport et le kebab partagent un score de 7,5/10, tandis que le supermarché (7,4) et le bureau de poste (7,3) ferment la marche.
Sans être franchement mauvaises, ces notes inférieures à la moyenne s’expliquent par des logiques économiques distinctes. L’hypermarché et le supermarché, prisonniers de leur modèle de rentabilité basé sur les volumes et la rotation, peinent à personnaliser la relation client. L’automatisation croissante – caisses automatiques, bornes de commande – accentue cette déshumanisation, malgré les efforts de certaines enseignes. Notons que les supérettes s’en sortent d’ailleurs mieux.
Le fast food et le kebab subissent quant à eux les contraintes du service rapide. La pression temporelle limite mécaniquement les interactions, privilégiant l’efficacité sur la convivialité.
Le bureau de poste illustre quant à lui particulièrement les mutations du service public. Soumis à des objectifs de productivité, contraint par la réduction des effectifs et la complexification des services, il peine à maintenir la qualité d’accueil traditionnelle mais aussi à s’aligner avec des horaires élargis. La transformation digitale – colis automatiques, services en ligne – érode aussi progressivement le contact humain qui faisait sa spécificité.

L’avenir du commerce à l’heure de l’hybridation
A l’heure où les consommateurs français opèrent désormais un arbitrage complexe entre commodité digitale et expérience humaine, les commerces les mieux notés partagent donc une caractéristique commune : ils proposent une expérience irremplaçable par le numérique. Le savoir-faire du coiffeur, l’expertise du pharmacien, la convivialité du bar-tabac créent une valeur ajoutée que ne peut reproduire aucun algorithme.
Cette évolution annonce une bipolarisation du commerce. D’un côté, une digitalisation croissante des achats routiniers et fonctionnels. De l’autre, une revalorisation des commerces capables de créer du lien, de l’émotion, de l’expertise humaine. Entre ces deux pôles, les formats intermédiaires, impersonnels, standardisés – risquent de subir une pression croissante.
La survie du commerce de proximité ne dépend plus seulement de sa localisation ou de ses prix, mais de sa capacité à tisser des liens durables avec ses clients. Dans cette nouvelle économie de l’attention et de la relation, l’accueil n’est plus un simple service : c’est devenu un avantage concurrentiel décisif face à l’omniprésence du numérique.
Source :
L’ObSoCo –L’Observatoire de la proximité, Vague 2, basé sur une enquête menée pour le groupe Casino en mars 2025 auprès de 4 000 Français âgés de 18 à 75 ans.