Y a de la joie, (presque) partout, y a de la joie !

« Qu’importe le bonheur tant qu’on n’a pas la joie », écrivait Jules Renard dans son journal. Alors que les sciences sociales s’interrogent régulièrement sur le bonheur, ses fondements et la façon de le mesurer, nous avons – une fois n’est pas coutume – voulu prendre un écrivain au mot.

Et avons donc interrogé 2000 Français sur ce qui leur avaient procuré de la joie durant la semaine écoulée. Cette question leur a été posée au mois de juin, évitant ainsi l’effet coquillages et crustacés ou celui de la frustration de n’être pas parti en vacances.

La joie du quotidien, donc.

Premier enseignement et motif (là aussi !) de réjouissances : 84% d’entre eux sont en mesure de nous donner une réponse et ont donc ressenti ce sentiment exaltant. Même si 16% au contraire indiquent n’avoir ressenti aucune joie au cours de la semaine précédant l’enquête.

Parmi les motifs évoqués pas les Français ayant éprouvé de la joie, les moments de convivialité sont largement mentionnés avant, à égalité : la météo, la gastronomie, les voyages, les moments de lecture, de jeux vidéo ou simplement le temps libre passé chez soi. Les achats, les sorties culturelles ou les événements ponctuant l’actualité nationale ou internationale sont cités de manière plus anecdotique dans 2% des réponses (de petits pourcentages mais tout de même signifiants dès lors qu’il s’agit de réponses à une question ouverte).

« L’argent ne fait pas le bonheur ». Vraiment ?

Pour autant donc, dans notre enquête, la deuxième réponse la plus fréquemment évoquée est l’absence de joie.

« Absolument rien », « rien », « aucune joie », « aucune activité ne m’a procuré de la joie » : 16 % des Français interrogés déclarent n’avoir pas ressenti de joie durant la semaine précédant l’enquête.

Une situation plus fréquente chez les personnes les plus modestes. Ainsi, un quart de ceux déclarant ne vraiment pas s’en sortir financièrement n’ont pas éprouvé de moments de joie la semaine précédant l’enquête.

On sait l’importance des ressources financières dans la sensation de bien-être des individus au moins jusqu’à un certain seuil (Kahneman et Deatin, 2010).

Nos résultats illustrent ce lien : tandis que seules 11% des personnes vivant confortablement déclarent ne pas avoir éprouvé de joie, ce pourcentage augmente à mesure que les difficultés financières s’accentuent.

Si le bonheur est l’injonction du siècle comme le souligne le sociologue Claude Martin (2018), il est bon de rappeler que son accessibilité est notamment conditionnée à un confort matériel qui échappe à une part croissante de la population.

« L’enfer c’est les autres ». Mais la joie aussi !

Si l’absence de joie est corrélée aux revenus, les sources de joie abondent plus largement dans l’ensemble de l’échantillon.

Ainsi, pour près d’un Français sur 2, ce sont les autres et le temps passé avec eux qui constituent donc les principales sources de joie. Ils sont au total 47% à citer spontanément des moments passés ou des activités réalisées en compagnie de quelqu’un qui leur est cher.

D’événements importants aux moments anodins du quotidien qui rendent la vie plus belle, ces temps sociaux collectivement partagés sont cités par les Français comme ceux qui leur apportent de la joie : « La naissance de mon petit fils », « L’anniversaire surprise d’une amie », « La visite imprévue de notre ami », « La soirée de samedi avec mes amis » autant d’occasions citées par des Français aux profils sociodémographiques variés.

Qui sont ces autres qui nous rendent heureux ?

La famille arrive largement en tête puisqu’elle est citée par 39% des répondants.

Des liens intergénérationnels semblent particulièrement importants, notamment entre 35 et 44 ans.

Si la famille est également mentionnée par les 18-24 ans, elle est chez eux talonnée par les amis. Cet âge de la vie est évidemment propice aux moments passés avec de plus larges groupes de pairs (étude, activité associative ou sportive).

Plus surprenant, la sociabilité amicale diminue drastiquement avec l’âge.

Comme l’explique la sociologue Claire Bidart (2010), spécialiste des questions liées à la sociabilité « au fur et à mesure que l’on vieillit, la disposition à rencontrer des gens, à établir et à maintenir des liens avec eux, se rétrécit de façon très nette ».

Ainsi, avec l’avancée en âge, les réseaux de sociabilité se détendent, les instants partagés entre amis qui occasionnent des moments de joie baissent drastiquement pour n’atteindre que 6% des occurrences mentionnées à partir de 55 ans.

Être entouré de gens que l’on apprécie, partager des moments avec eux et ne pas avoir de difficultés financières, autant d’ingrédients indispensables à la joie des Français.

Une dernière chose cependant.

La géographie n’est pas innocente en matière de joie.

Ainsi, il semble bien qu’être Breton ou Normand rende plus attentif à la météo. Dans notre enquête, alors que le temps qu’il fait n’est cité que par 9 % des Français, ils sont 21% de Bretons et 15% de Normands à le désigner comme source de joie durant les sept jours précédant notre enquête.

Sans doute le signe d’une semaine ensoleillée à l’Ouest.

Quoiqu’il en soit, nous vous souhaitons une JOYEUSE rentrée !

Au plaisir de vous retrouver toutes les semaines avec ce Coup d’Œil 😉

Source :

Baromètre L’ObSoCo du pouvoir et des intentions d’achats des Français, juin 2023

Références :

Bidart C., « Les âges de l’amitié. Cours de la vie et formes de la socialisation », Transversalités, 2010/1 (N° 113), p. 65-81

Kahneman, D. et Deaton, A., High income improves evaluation of life but not emotional well-being, 2010, Proceedings of the national academy of sciences, 107(38)

Martin C., Note critique, Revue des politiques sociales et familiales, 2019, n°131-132, 139-144;